Human Cloud, voici pourquoi les dirigeants de cabinet de conseil devraient (vraiment) s’intéresser aux consultants indépendants.

Cet article s’intéresse aux impacts de la transformation du capital humain dans le conseil et explique comment les cabinets de conseil devront mieux intégrer les consultants indépendants dans leurs opérations pour profiter des opportunités offertes par l’avènement du « cloud humain ».

De l’entreprise étendue au cloud humain, la transformation du capital humain

Vous connaissiez sans doute déjà l’entreprise étendue (extended workforce), popularisée par la montée en puissance des freelances et des plateformes de la « gig economy ». Nous vous proposons de pousser la logique un cran plus loin en découvrant le cloud humain (human cloud), qui définit une nouvelle manière de travailler grâce aux plateformes, dans un monde basé sur le mode projet où les collaborateurs se rencontrent et travaillent ensemble en dehors du modèle traditionnel du CDI.

Quelle est la différence entre les deux concepts ? Là où l’entreprise étendue se focalise uniquement sur le statut des talents contribuant à l’activité de l’entreprise, en soulignant qu’il est important pour les dirigeants d’une organisation de prendre en compte tous les contributeurs (prestataires, freelances…) et non pas seulement les salariés dans la gestion du capital humain, le cloud humain rajoute quant à lui une nouvelle dimension : la manière dont tous ces contributeurs travaillent ensemble. Le cloud humain s’intéresse donc aux modalités d’organisation et en particulier à tous ces outils et ces apps qui transforment la manière dont nous travaillons, passant d’un bureau physique à un monde connecté basé sur le mode projet et la production tangible de résultats. Dans son livre « The Human Cloud » (voir note en fin d’article), Matthiew Mottola écrit d’ailleurs : « pour travailler dans le cloud humain, la façon la plus courante était (et reste) de devenir Freelance. Mais au fur et à mesure que les bureaux deviennent de plus en plus digitalisés et que les entreprises adoptent le travail à distance, nous travaillons tous de plus en plus comme des Freelances. » La question de la distinction Salarié vs Freelance deviendrait presque anecdotique.

Le cloud humain c’est donc non seulement la capacité d’identifier et de faire appel à des talents de manière quasi illimitée et partout dans le monde, mais également de les faire travailler ensemble en mode projet avec un pilotage au résultat. Pris autrement, c’est la faculté de libérer le capital humain de l’organisation à la fois en termes de qualité, de quantité et de productivité. Une formidable opportunité de rebattre les cartes de la création de valeur : « People allocation is as powerful as financial allocation. »

Voyons maintenant comment le cloud humain va impacter un secteur comme le conseil.

Change = Human Cloud x Machine Cloud 

Cette équation de la transformation résume assez bien ce qui attend le monde des prestations intellectuelles, et en particulier celui du conseil. Sous la double conjonction de la transformation du capital humain (traditionnellement plus de 70% des coûts d’un cabinet de conseil) et de la digitalisation des outils et services utilisés pour produire les missions (enjeux data de plus en plus importants sur les missions par exemple), le changement va être massif … et potentiellement brutal comme le soulignait Clayton Christensen :

“[W]e’re still early in the story of consulting’s disruption… More likely than not, alarms won’t sound until it’s already too late in the game.”

Soyons honnêtes, ces transformations n’en sont encore qu’à leur début, et tout cela avance encore avec une certaine lenteur (la preuve, la citation de Clayton Christensen date de 1995) : les plateformes d’indépendants n’ont pas (encore) changer la donne sur le marché, l’impact de l’IA sur le métier est encore très flou, voire déceptif (voir notre article IA et Conseil : entre menaces et opportunités, que faire en tant que consultant ?). Résultat, de nombreuses structures de conseil conservent pour l’instant un fonctionnement opérationnel et managérial assez traditionnel. Tout juste peut-on souligner que la crise sanitaire aura, dans cette industrie comme dans toutes les autres, accélérer la digitalisation des process et le travail à distance.

Le cloud humain appliqué au conseil : raisonner au-delà de la « gig economy »

Pour expliquer cette lenteur, certains auront sans doute une explication simple : la « gig economy » (ou feu l’ubérisation) ne concerne en fait que les tâches à faible valeur ajoutée. Que les vrais succès de plateformes de freelancing concernent avant tout de la sous-traitance basique et/ou les métiers tech et digitaux. C’est oublier que le cloud humain se caractérise avant tout par de nouvelles modalités de collaboration : à distance (gage d’un accès quasi illimité aux talents), en mode projet (avec une bonne dose d’agile) et focalisé sur les livrables (plutôt que sur les heures). Autant d’éléments qui se prêtent particulièrement bien à la production de services intellectuels, quelles que soient leur complexité et leur valeur ajoutée.

Partant de ce constat, faire le pari que le cloud humain n’impactera pas les missions au-delà d’un certain niveau de tjm est sans doute très risqué. Le cloud humain s’imposera tôt au tard comme une composante indispensable des opérations des cabinets de conseil, au même titre que la marketplace s’est imposée dans les opérations des distributeurs et commerçants, transformant tout ou partie de leurs activités historiques. Une seule question subsiste : comment les cabinets de conseil peuvent profiter du cloud humain.

Le cloud humain, une transformation structurelle et culturelle

De prime abord, faire appel aux services d’un indépendant ne semble pas très compliqué : les plateformes fleurissent sur le web et à l’heure actuelle plusieurs dizaines d’acteurs proposent leurs services aux cabinets de conseil rien qu’en France. Pour qui sait chercher, des milliers de profils sont accessibles en ligne, à commencer par ceux de LinkedIn (on entend d’ailleurs régulièrement parler de projets de LinkedIn visant à créer une marketplace pour les freelances… à suivre). Du reste les acteurs du conseil n’ont pas attendu l’avènement des plateformes pour faire appel aux services de consultants indépendants, senior advisors et autres collaborateurs en portage salarial.

Mais profiter réellement des opportunités du cloud humain, ce n’est pas seulement considérer l’appel à un indépendant en dernier ressort faute de staffing disponible, c’est effectuer un changement culturel d’organisation qui concerne tous les aspects de l’activité de conseil, depuis les méthodes de travail jusqu’à la construction des propositions des commerciales et la sélection des équipes affectées aux missions. Avec des questions structurantes comme :

  • Qui possède la meilleure expertise pour satisfaire le client ? En interne ? En externe ?
  • Quels outils utilisons-nous pour échanger avec le client ? en interne ? avec quel niveau de service attendu ? (réactivité, délais de production …)
  • Est-on capable de travailler à distance ? en asynchrone ?
  • Quelles sont les règles de gestion du projet ? (agile, orienté résultat …)

Il s’agit donc d’une transformation organisationnelle qui dépasse largement le recours sporadique à telle ou telle plateforme de freelances.

Des bonnes pratiques qui se dessinent

Pour finir, et afin de nourrir concrètement la réflexion des décideurs concernés, voici quelques initiatives intéressantes qui dessinent les bonnes pratiques relatives au cloud humain :

Intensifier la digitalisation de l’environnement de travail

Que ce soit dans la communication (Visio, Messaging) ou dans la production (gestion des tâches et des plannings, organisation des données, base de procédures et de ressources), le recours à des outils digitaux accessibles à distance, activables en mode synchrones ou asynchrones et facilement déployables sont des solutions indispensables à l’intégration rapide de ressources externes. Ce sont tous ces outils, pour la plupart hébergé dans le cloud, qui ont justement permis l’essor du cloud humain, et il est donc inconcevable d’espérer en tirer un quelconque bénéfice sans une adoption massive du SaaS, des API ou du NoCode.

Adopter une production en mode projet privilégiant le découpage par composants

Comme le souligne l’étude Building the On-Demand Workforce publiée par la Harvard Business Review sur le développement de plateformes pour les freelances de haut niveau, la capacité à décomposer le travail devant être réalisé en une somme de petits composants clairement définis est l’un facteur clé de succès (c’est d’ailleurs aussi un des piliers du Scrum). A contrario, dans 20% des cas les clients de ces plateformes ont éprouvé de grandes difficultés à obtenir les résultats escomptés, faute de découpage et de pilotage assez fin des attendus.

Développer ses propres réseaux d’indépendants

Si le recours massif au cloud humain devient la norme dans le conseil, alors pourquoi confier systématiquement à des plateformes tierces la recherche et l’animation des talents ? Les cabinets de conseil les plus en pointe sur la question ont donc décidé de développer leurs propres capacités de connexion et de gestion du cloud humain. Deux exemples parmi d’autres :

CoBrain, société que j’ai créée, propose d’ailleurs aux cabinets de conseil Small & Mid Cap de les aider à créer leurs propres réseaux de consultants indépendants.

En conclusion, avec l’avènement du cloud humain, les cabinets de conseil vont devoir faire évoluer leur modèle traditionnel d’organisation en intégrant de plus en plus massivement des ressources externes à leurs opérations, à commencer par des consultants indépendants. Pour emprunter une formule à Fabrice BOUF, spécialiste de la transformation digitale, ce changement culturel nécessitera « 20% de technologie, 80% de culture et 100% d’humain ».

Pour aller plus loin :

Cet article reprend plusieurs concepts et idées développés dans le livre The Human Cloud: How Today’s Changemakers Use Artificial Intelligence and the Freelance Economy to Transform Work, de Matthew Mottola et Matthew Coatney. Lecture passionnante.

On peut également conseiller l’étude Killing Strategy: The Disruption Of Management Consulting publiée par CB Insights qui résume bien toutes les transformations en cours dans l’industrie du conseil.

Sur les plateformes internes de freelances développées par les Big Four, un article intéressant de Consultor

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