La disruption selon Alain Staron – quelques réflexions sur la disruption du conseil

Le 5 janvier dernier j’ai eu l’occasion d’assister à une présentation passionnante d’Alain Staron, un spécialiste de la disruption opérationnelle et conseil de nombre de grands groupes français, organisée par le club HEC Consultants & Experts. Si passionnante que je me suis empressé de lire son dernier livre Auto-disruption – La transformation digitale des produits et services de l’entreprise quelques jours après. Je vous livre ci-dessous quelques séquences puisées de cette lecture qui alimentent ma réflexion sur la disruption du conseil.

La première partie du livre est consacrée à l’identification et à l’analyse des grandes tendances de marché qui ont caractérisé la transformation digitale depuis 30 ans. Je ne reviens pas ici sur les exemples développés (par ailleurs passionnants) sur les médias, l’automobile et les services aux collectivités. En revanche le traitement de la plateformisation de l’économie a retenu toute mon attention, étant moi-même à l’origine d’une plateforme dédiée au management de transition et d’un nouveau projet de plateforme adressant le conseil indépendant. L’auteur souligne « l’exemple obsolète du paradigme de la plateforme » annonçant sans détour « la fin des plateformes ». Développant sa démonstration à propos du marché de la musique, il écrit (pour plus de lisibilité, tous les passages issus du livre sont ici écrits en bleu) :

Les majors expriment ainsi un nouveau volet de leur positionnement : être les partenaires des artistes pour les aider à rentrer en relation avec leurs fans. Dans un monde de plus en plus décentralisé, elles ne peuvent plus prétendre au rôle de plateforme d’intermédiation qui était le leur pendant tout le XXe siècle. Mais elles peuvent fournir des outils pour aider les artistes dans leurs échanges avec le public, y compris les échanges rémunérateurs comme le merchandising. Dans le monde digital, le nouveau Graal des majors ne sera probablement pas la taille du catalogue ou le nombre de disques d’or qui caractérisaient la puissance d’une plateforme, mais bien l’identification de la pièce du puzzle logiciel qui permet de revêtir le maillot du « Winner takes all ». Même si au passage leurs fournisseurs deviennent leurs clients, les faisant passer de plateformes à facilitateurs.

Bref, oubliez l’ubérisation du marché du conseil. Face à la multiplication des plateformes de freelances ciblant le marché du conseil, les acteurs qui vont émerger ces prochaines années seront ceux qui apportent des fonctionnalités qui facilitent les relations et les affaires et qui remettent le consultant au centre du jeu plutôt que de l’utiliser comme une « commodité ». Une vision que je partage complètement et qui a nourri ma réflexion sur le prochain lancement de CoBrain, une plateforme dédiée au conseil indépendant, utile et responsable.

Deuxième grande idée que j’ai retenue de la lecture : l’impact de l’intelligence artificielle sur le métier des consultants n’est plus une simple vue de l’esprit et devrait commencer à changer la donne d’ici 5 ans : selon Forrester l’IA va être utilisée dès 2020 dans un quart du Fortune 500 et dans 90% des applications délivrées en 2025 selon IDC.

L’intelligence artificielle est au XXIe siècle ce que l’imprimerie a été au XVe siècle, mais en beaucoup plus rapide.

Alain STARON

Pour m’intéresser au sujet de l’IA appliqué au conseil, je traque depuis déjà quelque temps les signaux faibles de sa montée en puissance, avec peu de résultats concrets et pas mal de déceptions pour l’instant. Pire, l’IA est aujourd’hui utilisée comme un « buzzword » marketing tout à fait creux voire frauduleux : 40% des start-up européennes d’intelligence artificielle n’utiliseraient pas d’intelligence artificielle ! Mais comme Alain Staron, je pressens aujourd’hui que la technologie est désormais assez mature pour commencer à modifier le marché du conseil en profondeur, notamment avec l’arrivée d’algorithmes type GPT-3 d’OpenAI, de la mise à disposition de puissance de calcul à la demande et d’IA sur étagère par AWS, Google ou Microsoft. Affaire à suivre de (très) prêt donc.

Deux autres tendances technologiques relevées par l’auteur sont également intéressantes : parmi les tendances technologiques stratégiques sélectionnées par Gartner pour 2020 :

  • L’hyperautomatisation, qui prend la suite du RPA (Robotic Process Automation) en y ajoutant schématiquement des techniques d’intelligence artificielle
  • La démocratisation des expertises, symbolisée par les accès prépackagés aux algorithmes d’intelligence artificielle pour les data scientists ou aux analyses de marché ou économiques par les marketeurs, ou encore le phénomène du low code ou no code pour les développeurs et les designers ; bref, un ensemble d’outils pour l’honnête homme qui coiffe ainsi une multitude de casquettes auparavant réservées à des experts

Où l’on voit qu’au-delà de la révolution à venir de l’IA, les innovations du RPA, du No Code et bien d’autres vont avoir un impact très concret les métiers du conseil, permettant notamment au consultant (l’honnête homme cité par Alain Staron) de s’approprier de nouvelles compétences et expertises pour réaliser de nouveaux types de missions.

Mais Alain Staron ne se contente pas de décrypter le marché, il propose dans son livre des pistes pour mettre en œuvre à son niveau l’auto-disruption sur la base d’un raisonnement finalement assez simple : mieux vaut se disrupter soi-même que de se faire disrupter par un autre. Parmi les idées proposées, j’en retiens une en particulier : mettre au cœur de la réflexion le product management dont la première mission sera, sur le papier dans un premier temps, de « productiser » la proposition de valeur de l’entreprise. L’une des pistes les plus fertiles ici consiste à considérer dans les actifs de l’entreprise tout ce qui peut être assimilé à un « outil » au service de l’offre à construire, et à réfléchir à l’opportunité de les transformer en produits. Cela rejoint une réflexion plus large que j’ai sur le développement de l’asset-based consulting (conseil basé sur l’exploitation d’outils et de produits) qui est à mon sens un élément de réflexion indispensable à tout acteur du conseil.

Au terme d’une réflexion composée de différentes étapes – analyse des signaux faibles, recherche des niches à valeur ajoutée puis construction de plusieurs visions pour l’entreprise qui maximisent ses chances de succès dans ces différents avenirs – l’auteur propose la réalisation rapide des « produits minimums viables ». La rapidité de réalisation est majeure, non seulement par rapport à la vitesse de réaction du marché et des concurrents, pour apprendre des tests, mais surtout pour la motivation des équipes, qui ont besoin de réalisation pour se rassurer sur leur capacité à faire, d’autant plus qu’on aura dû faire appel à des savoir-faire parfois extérieurs. Et il recommande dans la foulée de faire suivre les POC (Proof of concept) de POM (Proof of Market). Si le POC est un point de passage obligé, il répond à un objectif qualitatif : vérifier que la technologie, l’interface utilisateur et le bénéfice client sont au rendez-vous. Pour tester la réaction de l’écosystème, il faut passer à la phase de POM, un lancement dont il faut déterminer un périmètre circonscrit afin de minimiser les risques tout en permettant une mesure significative des résultats et un changement de dynamique perceptible.

Plus que jamais le management produit, le déploiement de méthodes agiles et la construction d’outils et de produits (les outils deviennent produits quand ils intègrent le service final rendu sans plus de nécessité d’un opérateur) vont modifier la manière dont les acteurs du conseil travaillent et appréhendent la valeur ajoutée de leur métier.

Vous l’aurez compris, ce livre est un travail d’une grande richesse dans lequel chacun peut trouver et piocher inspiration, exemples concrets et principes d’action. Une lecture utile pour tout décideur qui s’intéresse de prêt à la question – et quel décideur peut aujourd’hui réellement faire l’économie de cette réflexion…

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