Deep work, une compétence en or pour les consultants

Dans un monde ultra-connecté, la concentration devient une expérience rare. Pourtant les consultants, comme tant d’autres travailleurs du savoir, doivent quotidiennement s’atteler à la production de travaux exigeants, complexes et originaux.

Je vous propose donc de (re)découvrir le best-seller de Cal Newport Deep Work – Retrouver la concentration dans un monde de distractions avec un résumé des éléments importants à retenir pour alimenter votre propre réflexion sur le sujet.

Travail en profondeur vs Travail superficiel

En guise d’introduction, l’auteur identifie deux types de travail très différents :

  • Le travail profondeur : activités professionnelles menées dans un état de concentration absolue qui pousse vos capacités cognitives jusqu’à leurs limites. Ces efforts créent de la valeur, améliorent votre savoir-faire et sont difficiles à reproduire.
  • Le travail superficiel : tâches logistiques non exigeantes sur le plan cognitif, souvent exécutées en étant distrait. Ces efforts ont tendance à ne pas créer beaucoup de valeur et sont faciles à reproduire.

Problème, dans notre société et plus particulièrement en entreprise, le travail superficiel a complètement phagocyté le travail en profondeur. L’avènement des smartphones et la généralisation de la connexion Internet ont fragmenté l’attention de la plupart des travailleurs du savoir. En particulier l’auteur cite une étude du McKinsey Global Institute qui a montré qu’un travailleur du savoir passe en moyenne plus de 60% de sa semaine de travail à communiquer par voie électronique et à effectuer des recherches sur Internet, consacrant près de 30% de son temps rien qu’à lire et à répondre aux emails – et encore à l’époque de l’étude Teams et Slack n’étaient pas encore déployés à grande échelle.

Pourquoi le travail en profondeur est une compétence de grande valeur

Le livre est composé de deux parties. Dans la 1ère partie du livre, plus théorique, Cal Newport s’applique à démontrer la puissance du travail en profondeur, qui permet de créer de choses de grandes valeurs, particulièrement dans l’économie du numérique (l’auteur est lui-même professeur agrégé d’informatique à l’Université de Georgetown).

Une valeur que cette formule résume bien :

Production d’un travail d’excellente qualité =

(Temps passé) x (Intensité de la concentration)

Etant entendu que l’intensité de la concentration n’est pas linéaire (sa valeur augmente considérablement au cours du temps mais repart de 0 à la moindre distraction) , la productivité ne l’est pas non plus.

Bonne nouvelle, continue l’auteur, la capacité à travailler en profondeur ne dépend pas d’une supposée force de caractère mais est bien une compétence qui s’acquière. Cette acquisition demande cependant des efforts : il faut d’une part en faire une pratique répétée et délibérée (pour apprendre à la favoriser et la gérer) et d’autre part éviter autant que possible les distractions offertes en permanence par les technologies de l’information et de la communication.

Comment accéder au travail en profondeur

Nous passons alors à la 2ème partie du livre, plus pratique, où l’auteur livre un certain nombre de recettes concrètes (celles qu’il a mises en place ou celles qui ont été utilisées par d’autres grands producteurs de savoir comme des auteurs, des professeurs, des chercheurs …). On y retrouve à la fois ce qu’il faut faire (pour favoriser le travail en profondeur) et ce qu’il ne faut pas faire (pour éviter les distractions préjudiciables à la concentration).

Ce qui favorise le travail en profondeur

Cal Newport insiste sur le besoin de créer un système et des habitudes favorables au travail en profondeur (notion de système que l’on retrouve également dans l’excellent livre Atomic Habits qui repose sur la construction de systèmes pour favoriser des habitudes bénéfiques ou éviter des habitudes néfastes).

Tout débute par le choix d’une stratégie de travail en profondeur qui correspond à notre vie professionnelle et personnelle et s’intègre facilement dans notre emploi du temps. L’auteur en identifie 4 :

  • La philosophie monastique : Inspirée des vies de grands penseurs et de grands auteurs, cette philosophie radicale vise à annihiler toute source de distraction pour se concentrer uniquement sur les productions d’œuvres exceptionnelles. Cette philosophie ne s’adresse qu’à une infime minorité d’individus mais peut être un facteur décisif pour des productions hors du commun.
  • La philosophie bimodale : Selon cette philosophie, le travail en profondeur peut être source d’une productivité extrême seulement si la personne consacre suffisamment de temps à des projets de façon à afficher une intensité cognitive maximale, l’unité de temps minimale consacrée étant au moins d’une journée entière. Vous allez donc alterner entre des périodes d’intense concentration (plusieurs jours voire plusieurs semaines) où vous êtes complètement isolé et de périodes de disponibilité normale.
  • La philosophie rythmique : Le but est de générer un rythme éliminant le besoin de dépenser de l’énergie à décider si et quand vous allez vous engager dans un travail en profondeur. Vous planifiez à l’avance des créneaux allant de 90 min à 4 heures de travail en profondeur dans votre emploi du temps et vous vous y tenez quoiqu’il arrive.
  • La philosophie journalistique : Le but est de caser dès que possible dans votre emploi du temps une séance de travail en profondeur, sans contrainte de durée ni de planification. Evidemment c’est la plus tentante de toutes les modalités proposées mais l’auteur nous met en garde : cette approche n’est pas destinée au novice du travail en profondeur car faire rapidement basculer son esprit du mode superficiel au mode profond n’est absolument pas naturel pour notre cerveau. On retrouve souvent cette pratique chez de grands journalistes, habitués à jongler avec les contraintes de bouclage et à écrire des livres en parallèle de leur activité.

Une fois la stratégie identifiée, l’auteur nous propose quelques stratagèmes supplémentaires pour compléter notre système de travail en profondeur, avec de nombreux exemples. Sans tous les reprendre, Cal Newport insiste sur l’importance de ritualiser les séances de travail en profondeur :

  • en choisissant un lieu dédié propice au travail en profondeur
  • en disposant de tout le confort matériel nécessaire
  • en adoptant un déroulé de séance immuable (durée, routines).

Il insiste également sur l’importance du suivi d’indicateurs clés avec une évaluation régulière de la performance et des objectifs poursuivis. Plus surprenant, il évoque enfin le bénéfice de périodes d’oisiveté régulières (qu’il appelle arrêt intellectuel) qui contribuent à régénérer notre attention et notre énergie.

Ce qui éteint le travail en profondeur et favorise le travail superficiel

Compte tenu de notre environnement, Cal Newport insiste également sur les stratégies à mettre en place pour lutter contre toutes les sources de distraction qui minent le travail en profondeur et favorisent au contraire le travail superficiel. Il revient en particulier sur la nécessité de contingenter les deux pires ennemis du travail en profondeur : l’omniprésence des technologies de l’information et la communication (TIC) et les mauvaises habitudes de l’organisation du travail en entreprise.

Lutter contre l’omniprésence des technologies de l’information et la communication

Lorsqu’il s’agit de travail en profondeur, votre pire ennemi est sans doute à portée de main : c’est votre smartphone. Non pas pour l’objet en lui-même, mais parce qu’il vous met à un clic d’Internet et des réseaux sociaux. L’auteur ne nie pas que tous ces outils puissent se révéler extrêmement utiles en certains cas mais il met surtout en évidence leur rôle dans la distraction et l’émiettement de la concentration des travailleurs du savoir.

Pour y remédier, Cal Newport propose deux mesures radicales :

  • encadrer strictement l’usage professionnel d’Internet en créant des plages d’utilisation planifiée et limitée et arrêter la navigation sur Internet comme source de divertissement ou palliatif à l’ennui
  • quitter les réseaux sociaux pendant 30 jours et faire à l’issue de cette période une stricte évaluation des coûts/bénéfices (lui recommande in fine de les quitter purement et simplement compte tenu de la faible valeur des contenus et des échanges)

Lutter contre les mauvaises habitudes de l’organisation du travail en entreprise

Parce qu’il est souvent difficile d’évaluer la création de valeur des travailleurs du savoir en entreprise, l’auteur constate bien souvent qu’en l’absence d’indicateurs clairs de la productivité et de la valeur à leurs postes, de nombreux travailleurs du savoir se tournent vers un indicateur industriel de la productivité : faire beaucoup de choses de façon très voyante. Cela se traduit par l’émergence de deux sources majeures de travail superficiel : le travail multitâche et les emails (qui représentent donc 30% du temps de travail d’un employé selon l’étude McKinsey cité en début d’article).

Je ne résiste pas en particulier à vous livrer une citation de Clifford Nass professeur de communication à l’Université de Stanford qui a réalisé une étude sur le « Multitasking » et qui est reprise dans le livre :

« Nous avons des échelles qui nous permettent de classer les gens entre ceux qui s’adonnent au multitâche et ceux qui le font rarement. Les différences sont remarquables. Les individus qui font sans arrêt plusieurs choses à la fois ne sont pas capables d’éliminer les informations non pertinentes. Ils ne savent pas gérer leur mémoire de travail. Ce sont des distraits chroniques. Ils activent des parties bien plus imposantes de leur cerveau qui sont inutiles à l’exécution de la tâche souhaitée… Ce sont vraiment des loques mentales. 

Les gens avec qui nous échangeons disent tout le temps « Ecoutez, quand je dois me concentrer, j’éteins tout et ma concentration est optimale ». Malheureusement les habitudes qu’ils ont prises rendent impossibles ce niveau de concentration extrême car ils attirent les informations non pertinentes. Ils ne peuvent tout simplement pas rester rivés sur la tâche à exécuter. »

Pour y remédier, Cal Newport propose de fuir la superficialité du monde du travail en faisant remarquer que le travail superficiel qui accapare de plus en plus les travailleurs du savoir est souvent moins vital qu’il n’y paraît sur le moment. Il propose notamment :

  • d’adopter la productivité à horaire fixe, en définissant une heure de fin de travail immuable (lui-même a choisi de s’arrêter à 17h30) et en planifiant chaque minute de sa journée. Il souligne que « la productivité à horaires fixes est une méta habitude simple à adopter mais à l’impact substantiel »
  • de devenir plus exigeant en matière de communication par email, à la fois pour ceux que l’on reçoit et ceux que l’on envoie. Il recommande en particulier de se poser à chaque fois la question « quel est le projet associé à cet email et quel est le processus le plus efficace en matière de messages générés pour que ce projet soit mené à bien avec succès ? ». Cela aboutit à des emails plus structurés où les correspondants savent ce que l’on attend de chacun et quelle est concrètement la prochaine étape. Cela demande également plus d’effort de rédaction qu’un simple « t’en penses quoi ? » …
  • Enfin, de manière plus extrême, il recommande de devenir plus difficilement joignable.

Cal Newporte conclut son essai en reconnaissant que ce qu’il propose n’est sans doute pas donné à tout le monde et demande de véritables efforts et d’importants changements d’habitude. Mais ajoute-t-il « si vous êtes prêt à sortir de votre zone de confort […] vous découvrirez, comme d’autres avant vous que la profondeur de concentration crée une existence riche de sens et est source de productivité ».

Je vous encourage vivement à lire le livre par vous-même car la puissance du raisonnement est étayée par de nombreux exemples instructifs et vivants qui en rendent la lecture fluide et plaisante.

Lien vers le livre en édition française

Lien vers le livre en version originale

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