Conseil et Management de Transition : Amis ou Ennemis ?

Je discute souvent de la différence entre le conseil et le management de transition avec des dirigeants d’entreprise et des consultants indépendants. Pour avoir exercé à la fois en tant que consultant indépendant et associé d’un cabinet de management de transition, je constate que les marchés français du conseil et du management sont dans les faits assez disjoints : ils se côtoient mais se recoupent très rarement, du moins dans la tête des clients. Du côté des indépendants, j’ai de même rencontré assez peu de professionnels pouvant réellement revendiquer une double activité de consultant et de manager de transition, l’un des deux rôles prenant en général largement le pas sur l’autre. Cela nous renvoie sans doute à l’opposition plus classique entre l’Expert et le Manager. Mais ces deux activités sont-elles dans le fond si différentes ?

Quelle est la différence entre le conseil et le management de transition ?

Si je devais résumer ma dizaine d’années d’expérience, il existe à mes yeux deux différences assez marquées d’un point de vue opérationnel : la nature du livrable et le niveau d’implication dans l’organisation.

Une mission de conseil se traduit en général par un livrable clairement défini, qui peut certes prendre différentes formes (rapport, étude, modèle, mise en œuvre d’un outil…), mais in fine c’est bien ce livrable tangible que le client achète.

Une mission de management de transition se caractérise quant à elle d’abord par une position et un rôle dans l’organisation, notamment d’un point de vue managérial. Si l’on devait poursuivre la métaphore du livrable, on pourrait dire que le principal livrable du manager de transition est d’être là au quotidien avec les équipes.

Cela se traduit d’ailleurs assez bien en termes financiers : alors que le conseil est majoritairement facturé au forfait, le management de transition est quasiment exclusivement facturé au temps passé.

Il est néanmoins des sujets sur lesquels les frontières s’atténuent, notamment quand l’on parle d’accompagnement des clients dans la durée. Pour un plan de transformation, qui sont les acteurs les plus légitimes ? Dans un autre registre, les missions à temps partagé (principalement utilisées dans les PME) relèvent-elles du conseil ou du management de transition ?

Reste que la plupart du temps la distinction sur les livrables et le positionnement vis-à-vis de l’organisation suffisent en général à faire la distinction entre une mission de conseil et une mission de management de transition. Cette distinction opérationnelle est ensuite exacerbée par le marketing des offres des acteurs du marché, ce qui a contribué à façonner deux marchés très différents.

Conseil versus Management de Transition : que disent les chiffres ?

Taille de marché :

Premier constat, le management de transition fait figure de marché de niche comparé au marché du conseil en management. Les missions de transition représentaient 440 m€ en 2019 (chiffres France Transition) alors que le conseil en management pèse plus de 7 milliards d’euros selon le Syntec Conseil.

Pratiques tarifaires :

Le taux journalier moyen (tjm) facturé du management de transition est d’environ 1.200 € HT selon France Transition. Côté conseil, le Syntec précise que 50% de la facturation se fait sur la base de tjm compris entre 1.000 et 1.500 € HT, 22% sur des tjm inférieurs à 1.000 € et 28% sur des tjm supérieurs à 1 500 €.

Attention toutefois à la comparaison directe des tjm : la mission de management de transition dure en général de 6 à 12 mois et le tjm moyen facturé doit donc être considéré au regard de l’effet volume commandé par le client (de 100 à 200 jours facturés pour chaque mission). Le management de transition implique également des ressources en moyenne plus seniors que les missions de conseil.

Organisation du marché :

Un peu plus de la moitié des missions de management de transition sont réalisées via des cabinets spécialisés (65% selon France Transition), le reste étant réalisé par les managers directement avec les clients. France Transition recense 90 cabinets ayant une activité de management de transition structurée. Les grandes entreprises (>1500M €CA) représentent 37% des missions et les ETI (500 à 1500M €CA) 28% des missions (source France Transition).

Côté conseil en management, si le Syntec Conseil recense au total près de 35000 acteurs, les sociétés d’indépendants représentent la grande majorité de ces structures. Mais si les cabinets de conseil réalisant moins de 3 m€ an par de CA représentent 45% des sociétés de conseil, ils ne pèsent que 2% du CA du marché. A contrario les cabinets réalisant plus de 50 m€ de CA annuel représentent 65% du marché et travaillent essentiellement pour les grands groupes alors que la part du CA réalisé avec les ETI reste en retrait par rapport aux ratios constatés en Allemagne ou au Royaume-Uni.

Cabinets de conseil et Cabinets de Management de Transition : des offres concurrentes ou complémentaires ?

Modalités opérationnelles différentes (livrables, postures), tailles de marché n’ayant rien à voir, on comprend que ces deux marchés français soient finalement assez peu perméables l’un à l’autre. Mais la question de la concurrence ou de la complémentarité des deux offres mérite d’être posée.

Côté Management de Transition, aucun acteur « pure player » (comme aime les appeler fédération France Transition) ne s’est lancé dans le développement d’une branche conseil. Une bonne partie de l’argumentaire commercial se construit même sur l’opposition entre management de transition et conseil (voir le dossier réalisé par NIM Europe sur ce sujet).

Côté Conseil les choses sont différentes. Quelques acteurs ont déjà décidé d’intégrer une pratique de management de transition à leur activité, avec différentes stratégies :

  • Certaines sociétés de conseil et services RH, souvent bâties autour d’activités de chasse de tête ou de recrutement, ont développé et/ou rachetés des activités de management de transition. Ainsi Menway a racheté NIM Europe et MPI Partners.
  • Le cabinet Mazars a récemment structuré une offre de management de transition sur les profils financiers labellisés Mazars.

Il ne faut pas non plus occulter le fait que de nombreux cabinets d’audit ou de conseil réalisent des missions de mise à disposition « en régie » de salariés ou d’indépendants travaillant en sous-traitance, ce qui s’apparente grandement à du management de transition et peut représenter jusqu’à 1/3 de l’activité conseil de certains cabinets.

Quand on voit la complémentarité naturelle des activités de conseil et de management de transition (synergies commerciales auprès des donneurs d’ordre, capacité à décliner une expertise donnée en différentes modalités opérationnelles comme le montre l’exemple de Mazars en finance), on peut s’étonner que les cabinets de conseil ne développent pas plus ce type d’activité, par ailleurs assez rémunératrice (l’emploi de managers indépendants supprimant les risques liés à l’inter-contrat). Cela pose plus largement la question d’un recours plus massif aux indépendants à haute valeur ajoutée dans les cabinets de conseil (voir notre article Human Cloud, voici pourquoi les dirigeants de cabinet de conseil devraient (vraiment) s’intéresser aux consultants indépendants.) Les assises du management de transition de 2020 notaient déjà une concentration et une polarisation du marché français entre les principaux pure players d’un côté et des entités généralistes multi-offres RH (recrutement, outplacement, …) de l’autre. Signe que le management de transition pourrait devenir dans les années qui viennent une offre de conseil à part entière.

Sources de données :

Les deux principales sources de données chiffrées sont le Syntec Conseil (repris dans l’étude Xerfi consacrée au conseil en management) pour le conseil et France Transition pour le management de transition.

Je vous recommande également deux autres sources pour alimenter votre propre réflexion :

  • NIM, cabinet de management de transition, a publié un livret sur le sujet, forcément un peu plus flatteur pour le management de transition, mais qui a le mérite de poser les choses
  • Jérôme CARAYOL, associé du cabinet de conseil EMOVEO, présente quant à lui son offre de Side Management, offre de conseil hybride présentée comme une alternative au management de transition

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