Le conseil et la crise sanitaire : bilan 2020 et perspectives

Alors que les fêtes approchent et que l’attentisme le dispute à l’incertitude, il peut être intéressant de faire un premier bilan de l’impact de la crise sanitaire (et économique) sur le marché du conseil et d’en tirer quelques leçons pour l’année qui vient. Cet article s’appuie notamment sur une compilation des données et analyses récemment publiées par Xerfi et le Syntec.

Un marché du conseil lourdement impacté par le premier confinement

La publication en novembre d’une étude Xerfi permet de mettre l’accent sur l’impact du 1er confinement sur les activités de conseil. Xerfi a ainsi compilé les baisses d’activité par segment et le secteur des « Autres activités de services » (auquel appartient le conseil) a reculé de -36% au T2 et -16% au T3 par rapport à l’année précédente, à comparer à la performance globale des services marchands de -17% au T2 et -7% au T3. Cela confirme que l’impact du 1er confinement a été particulièrement brutal dans le conseil.

L’activité est ensuite revenue à un niveau plus normatif à partir de septembre : en octobre 92% des acteurs du conseil en gestion et 91% acteurs de la programmation et conseil IT déclaraient avoir retrouvé un niveau « normal » d’activité. En avril, lors du 1er confinement, ils n’étaient respectivement que 57% et 79% à déclarer un niveau normal d’activité. On note au passage la grande différence d’impact du 1er confinement entre le conseil en gestion et le conseil IT. S’il est encore un peu tôt pour mesurer l’impact du 2e confinement sur l’activité, cela semble confirmer que le ralentissement est bien moindre que lors du 1er confinement.

Sur l’ensemble de l’année, le Syntec Conseil annonce un recul d’activité de 11% et une baisse des effectifs de 2% en 2020. Cela est globalement en phase avec les prévisions réalisées par Xerfi en juillet 2020 qui prévoyait un recul des services aux entreprises de -13% en 2020, avec un rattrapage de +9% en 2021. Autrement dit, le niveau d’activité de 2019 ne sera pas atteint avant fin 2022. Autre constat de Xerfi : pour la 1re fois depuis 4 ans, les prix reculent dans le conseil.

Les acteurs du numérique s’en sortent (bien) mieux que les acteurs traditionnels du conseil

Pour s’en convaincre, il suffit de comparer les deux publications récentes du Syntec Conseil et du Syntec Numérique : deux salles, deux ambiances … Au pessimisme mesuré du Conseil répond la relative sérénité du Numérique :

Le marché du numérique résiste mieux que la moyenne des secteurs en France, car il est stimulé par la transformation digitale des organisations.

Godefroy de Bentzmann, président de Syntec Numérique

Et cela se retrouve dans les chiffres 2020 : le Syntec Numérique prévoit un recul de l’activité pour l’année de -5% (à comparer au -11% du Syntec Conseil). Point intéressant (je dirais même « interesting » au sens anglais du terme…) pour 2021 le Syntec Numérique prévoit 1% de croissance, contre +9% pour le Syntec Conseil. Si l’on somme les performances 2020 et 2021 (ce qui n’est pas tout à fait exact d’un point de vue mathématique mais passons) les prévisions cumulées sont donc de -4% sur 2020-2021 dans les deux marchés, simple hasard sans doute. Mais disons que les prévisions 2021 du Syntec Conseil sont pour le moins ambitieuses au regard de la vague de défaillances qui risque de se profiler l’année prochaine.

Au delà de ces considérations, il y a au sein même des activités du Syntec numérique un point qui ne trompe pas : le conseil en technologie devrait être le plus affecté avec une baisse de -12%, les ESN (entreprises de services du numérique) devraient afficher un recul de 4%, alors que les éditeurs de logiciels devraient enregistrer une légère croissance de +0,3% en grande partie grâce au SaaS. Tendance confirmée dans les prévisions 2021 avec -3% pour le conseil en technologie, +1% pour les ESN et +4% pour les éditeurs de logiciels. Cela démontre a minima la résilience du produit par rapport au service dans le numérique et dans le conseil de manière plus général.

Les conséquences attendues de la crise sur le marché du conseil : concurrence accrue, consolidation et transformation

D’une manière générale, la crise sanitaire a accéléré un certain nombre de tendances, et sans doute la première d’entre elles est l’accélération de la digitalisation de tous les secteurs économiques, y compris du conseil :

La crise que nous vivons agit comme un accélérateur sur des tendances que nous avions déjà identifiées et explorées dans nos méthodes et nos pratiques. Nous ne sommes pas surpris, mais nous devons proposer encore plus rapidement des solutions concrètes

Matthieu Courtecuisse, Président de Syntec Conseil

Si l’on se penche plus précisément sur le marché du conseil, cette vidéo publiée par Xerfi résume bien la situation :

  • Une pression concurrentielle exacerbée entre acteurs traditionnels avec une convergence des différents métiers et des zones de frictions élargies (y compris en Stratégie et en Finance), qui devrait être accompagnée d’une consolidation du marché
  • Le développement de nouvelles offres de plateformes offrant soit des mises en relation avec des freelances, soit des services d’automatisation (RPA)
  • Le besoin de retravailler sa structure de coûts . Un simple rappel suffit et qui vaut toutes les argumentaires : l’activité à reculer de 11% en 2020 alors que les effectifs n’ont baissé « que » de 2%, tout reste à faire.
  • La nécessaire évolution des offres, des compétences mais aussi des modèles de revenus pour aller au-delà du simple taux journalier moyen (tjm). Les pistes du paiement au résultat (je vous recommande à ce sujet la lecture de Value-Based Fees d’Alan Weiss) et de l’abonnement sur le modèle du SaaS sont notamment évoquées.

Voyons maintenant comment les acteurs du conseil peuvent concrètement adresser ces sujets.

Comment préparer la sortie de crise pour les acteurs du marché du conseil

Mes quelques années d’expérience dans le conseil en restructuring et les discussions que j’ai eues avec de nombreux dirigeants et spécialistes de la crise m’ont conforté dans cette conviction : on doit traiter les conséquences d’une crise économique comme n’importe quelle situation de restructuring, à ceci près que la crise concerne tous les acteurs du marché et pas seulement les plus faibles. « Never let a good crisis go to waste » a dit un jour Churchill. Et les acteurs du conseil ne devraient pas faire exception.

Dans un premier temps l’urgence consiste à conduire un audit de la situation, un audit objectif et rapide. L’objectivité de l’analyse et l’exactitude du chiffre sont les conditions sine qua none de l’anticipation. L’on peut considérer qu’avec le chômage partiel et l’obtention de PGE (Prêts Garantis par l’Etat) la majorité des acteurs du conseil ont sécurisé leur trésorerie pour les 6-12 mois qui viennent. En revanche des mesures restent à prendre pour rétablir la profitabilité à court terme des activités une fois les mesures d’aide levées (notamment le chômage partiel).

Dans un deuxième temps, il faudra réunir les moyens financiers, opérationnels et humains du redéploiement sur la base d’une structure d’exploitation assainie. L’anticipation et la vitesse de transformation seront les clés de la sortie de crise. À mon niveau j’identifie trois sujets qui devraient en particulier faire l’objet d’une réflexion pour les acteurs traditionnels du conseil :

Transformation digitale : passer en revue les innovations du marché, aussi bien sur le plan technologique (SaaS, RPA, Big Data, No Code) que sur le plan organisationnel (Agile, Lean, Scrum) pour implémenter rapidement les éléments les plus pertinents dans votre organisation.

Asset-based consulting : nous avons vu que les produits avaient démontré une bien meilleure résistance à la crise par rapport aux services dans le secteur du numérique. Ce n’est qu’un des (nombreux) avantages de l’Asset-based consulting pour les acteurs du conseil. Cela permet avant tout de créer des opportunités différenciantes, à haute valeur ajoutée et de développer des actifs durables prenant la forme de logiciels, outils digitaux ou contenus propriétaires.

Équipe étendue : traduction du terme anglais « Extended Worforce », il s’agit de construire un réseau de partenaires et consultants indépendants pour développer l’agilité de votre organisation, faire face aux besoins de vos clients et proposer de nouveaux services.

Bref plein de projets à démarrer dès maintenant pour négocier au mieux la sortie de crise et faire partie des acteurs qui recomposeront le paysage concurrentiel.


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