20% du CA de McKinsey réalisé par des ventes de licences – un exemple d’Asset-Based Consulting

En regardant une vidéo de Xerfi consacrée à l’impact de la crise dans l’univers du conseil, je me suis arrêté sur un point qui m’a particulièrement surpris (autour de 3’00 dans la vidéo) : McKinsey propose plus de 85 solutions logicielles qui représenteraient 20% des revenus de la Firme. J’ai voulu creuser ce sujet qui constitue une bonne illustration du développement de l’Asset-Based Consulting dans le secteur du conseil.

20% du CA, mais de quelle activité parle-t-on vraiment ?

Difficile de trouver la source exacte des chiffres avancés par Xerfi (je dois admettre que je n’ai pas acheté l’étude) et la Firme reste assez discrète sur le détail de ses performances financières. On sait toutefois que McKinsey a réalisé en 2019 10,5 Mds $ de CA. Donc on parle d’après les chiffres avancés par Xerfi d’une activité pesant autour de 2 Mds $. Si cela venait uniquement de la vente de licences logicielles au sens traditionnel du terme, cela placerait McKinsey autour de la 20e place mondiale des éditeurs de logiciel (voir le classement mondial ici). Cela paraît quand même peu probable. En revanche il est fort probable que l’on parle à la fois de revenus provenant de la vente de licences ET de services/conseils associés. Pour ceux qui connaissent un peu l’industrie du SaaS BtoB, c’est la différence entre le « Licences Revenue » et le « Managed Services Revenue ». Ce n’est d’ailleurs pas un hasard que j’évoque ici les éditeurs SaaS BtoB car les Services Associés sont un puissant relais de croissance pour eux, notamment pour augmenter le CA réalisé sur le parc installé. Mais revenons à McKinsey. La Firme a effectivement développé des initiatives en ce sens et cela a commencé par le lancement du McKinsey Business Technology Office (BTO) qui aidait à l’époque les entreprises dans leur stratégie IT. Aujourd’hui McKinsey s’appuie sur trois entités : McKinsey Digital, McKinsey Analytics et McKinsey Solutions.

Comprendre le développement de McKinsey Digital, McKinsey Analytics et McKinsey Solutions

McKinsey Digital est l’entité globale qui a pris le relais du BTO. Les activités de McKinsey Analytics et McKinsey Solutions (voir ci-dessous) lui sont également rattachées. McKinsey Digital aide les entreprises à concevoir, déployer et opérer des systèmes d’infirmation indispensables à leur fonctionnement. C’est in fine une extension assez logique du métier historique de conseil en stratégie de la Firme. McKinsey Digital accompagne notamment ses clients dans la modernisation des systèmes et infrastructures IT (par exemple dans le cloud ou sur des sujets de cybersécurité) et dans la digitalisation de leurs activités. C’est aussi au sein de cette entité qu’ont été intégrées nombre d’acquisitions de McKinsey dans le domaine comme QuantumBlack en 2015 et Carbon12 en 2016.

McKinsey Analytics est une équipe regroupant des experts Data qui conçoivent des modèles permettant aux clients d’obtenir des analyses de données sur-mesure. Ils peuvent à la fois opérer ces modèles pour le compte de tiers et accompagner les équipes clients dans la prise en main des modèles et le développement de compétences analytiques internes.

McKinsey Solutions est entité chargée de développer et d’opérer une suite de logiciels vendus et installés chez les clients. Il s’agit d’outils d’analyses de données mais également d’accès à certaines données propriétaires. Et ce sont les clients qui réalisent eux-mêmes leurs analyses, au besoin avec le renfort de consultants. McKinsey Solutions a également développé des partenariats avec BryterCX, Henry Rak Consulting Partners (depuis racheté par McKinsey) et Finalta (également racheté) pour accéder à de nouvelles sources de données ou développer des techniques d’analyses innovantes.

Au fil de mes recherches, je suis tombé sur un post non daté évoquant le poids de ces entités au sein de McKinsey. Se basant sur une discussion avec d’anciens Senior Partners, voici ce que l’auteur rapporte :

McKinsey Solutions et McKinsey Analytics sont deux entités qui connaissent parmi les plus grandes croissances au sein de McKinsey. Ces deux activités « non traditionnelles » emploient plus de 50% des effectifs du groupe et connaissent une croissance supérieure à celle de l’activité traditionnelle de conseil, à la fois en effectif et en chiffre d’affaires.

Si ces chiffres venaient à être confirmés, cela signifie que McKinsey Solutions et McKinsey Analytics emploient près de 15.000 salariés dans le monde. Et pour le coup un CA annuel de 2 Mds $ paraît tout à fait envisageable, voire sous-estimé (cela donnerait 133 k$ de CA/employé pour ces activités contre 350 k$ de CA/employé au global).

Des initiatives similaires chez Bain et au BCG

Les concurrents traditionnels de McKinsey ne sont pas en reste, bien au contraire. BCG a notamment lancé deux initiatives :

  • BCG Gamma est l’entité du BCG spécialisée dans le big data et l’analyse de données. Elle emploie quelque 850 datascientists, spécialistes des techniques d’analyse de données (data science, ingénierie, optimisation, machine learning) qui développent et opèrent des solutions pour le compte de clients
  • BCG’s Digital Ventures (BCG DV) est un studio d’incubation et d’innovation pour de nouvelles activités en early stage, avec la volonté de mettre en avant la notion de « digital-first consulting ». L’accent est mis sur des temps de développement assez court (en général 9 à 12 mois) pour générer de nouveaux produits / business models, y compris en ayant recourt à des méthodes de type « growth hacking ». Au-delà du développement de nouvelles activités, BCG Digital Ventures offre également des options de co-investissement à ses clients dans les activités qu’elle lance.

Bain a de son côté développé des solutions :

  • Bain Vector est une plateforme qui regroupe sous une marque commune des produits, des outils et des services pour servir la transformation digitale des entreprises. Elle est composée de 7 briques : Advanced analytics, Automation, Design / Build, Digital Marketing, Enterprise Technology, New business innovation, Partnership ecosystem. Pour en savoir plus, voir l’article de Rocketblocks.
  • Bain a également lancé en 2019 NPS Prism en collaboration avec l’éditeur de logiciel SaaS Qualtrics (racheté par SAP) qui permet aux clients utilisant le NPS (Net Promoter Score – outil créé par Bain) de benchmarker leurs résultats avec ceux de l’industrie.

L’Asset-Based Consulting, au cœur de la transformation des métiers du conseil

L’exemple de McKinsey permet de mieux appréhender le développement de l’Asset-Based Consulting qui est à mon sens au cœur de la transformation des métiers du conseil. Dans ce cas précis il s’agit de deux « assets » distincts et complémentaires : les logiciels et les jeux de données.

Sur la partie Logiciels, ce sont essentiellement des solutions de machine learning (une des branches de l’IA) et des outils d’exploitation de bases de données (Big Data), mais il ne faut pas non plus négliger la partie dédiée à l’automatisation des tâches. Côté IA et Big Data, il s’agit évidemment de produire des analyses de données toujours plus puissantes. Côté automatisation, il s’agit plutôt de remplacer ou de compléter certaines tâches humaines en créant des systèmes hommes / machines qui évoluent sur un spectre allant de l’humain augmenté à l’ordinateur humanisé selon le degré d’automatisation. On voit bien dans les deux cas l’impact de ces solutions logicielles sur le travail des consultants qui ne peuvent tout simplement plus soutenir la comparaison sans intégrer la composante logicielle dans les travaux, que ce soit en termes de qualité des analyses produites ou de compétitivité économique.

Sur la partie Jeux de données, il s’agit de mettre à disposition des clients des données propriétaires ou de rendre accessible de données tierces repackagées. Si l’on s’en tient au fameux adage Data is the new oil, maîtriser les jeux de données en amont de la mission de conseil permet à la fois de créer un avantage compétitif tout à fait déterminant (pour ne pas dire indépassable) tout en assurant une forte rentabilité de la prestation (au moins en raisonnant d’un point de vue de la rentabilité marginale).

Il existe d’autres formes d’Asset-Based Consulting, nous aurons l’occasion d’en reparler dans un autre article, mais ces deux formes sont sans doute les plus importantes en termes d’impact sur l’activité traditionnelle et devraient être des sujets absolument prioritaires pour tous les cabinets de conseil.


Notes

Outre les liens indiqués dans le corps du texte, voici quelques sources qui m’ont aidé à préparer l’article :

– Je ne peux que vous recommander la lecture de l’excellente étude de CB Insights « Killing Strategy: The Disruption Of Management Consulting » parue en octobre 2020

– Le blog de Rocketblocks (site proposant des cycles de préparation pour décrocher des emplois chez McKinsey, BCG, Google, Amazon et bien d’autres) propose des descriptions assez détaillées de McKinsey Analytics et McKinsey Digital

– Quelques informations complémentaires sur McKinsey sur le site de Cleverism.com

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